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Nicolas KARREN
(1835-1904)
Musicien et photographe d'atelier
5 photographies
Jean Nicolas Karren est né le 7 janvier 1835 à Ensheim, une ville de Rhénanie-Palatinat (Allemagne). Son père, Jean Karren (1782-1854) qui était tabletier s’était marié deux fois. Jean Nicolas est le dernier de ses neuf enfants dont plusieurs seront musiciens en France. (1) A une date inconnue, Jean Karren vient s’installer à Paris avec toute sa famille. Dans la capitale, il sera fabricant de tabatières… puis maréchal-ferrant.
ORGANISTE A QUINZE ANS : Louis Karren, le demi-frère de Nicolas, était professeur de musique et organiste à Sablé (Sarthe) à trois kilomètres de l’abbaye de Solesmes. En 1831, ce qui subsistait de l’ancien prieuré bénédictin de Solesmes était menacé de démolition. Un prêtre du diocèse du Mans, Dom Prosper Guéranger s’en porta acquéreur. Avec d’autres prêtres, il forma une communauté bénédictine. Refondateur de l’abbaye de Solesmes, dom Guéranger deviendra ainsi le restaurateur de l’ordre des bénédictins en France. (2) En novembre 1850, le facteur d’orgue Frédéric Verschneider installa le premier orgue de l’église abbatiale Saint-Pierre. Malgré son jeune âge, Nicolas Karren, qui était apparenté à Dom Fonteinne, cellérier de l’abbaye, devient titulaire de l’orgue. Il est logé sur place et reçoit un salaire. (3) Nicolas Karren sera organiste à Solesmes jusqu’en mai 1859, date à laquelle il part à Caen (Calvados). Dom Guéranger l’avait recommandé aux bénédictines de la ville.
MUSICIEN A CAEN : Nicolas Karren n’a que 24 ans quand il arrive à Caen où il est nommé directeur de la Société de Saint-Grégoire « qui a pour objet de donner un enseignement spécial aux chantres et à toutes les personnes qui désirent apprendre le plain-chant. Cette société, qui a déjà produit les plus heureux résultats a pour directeur et professeur M. Karren, maître de chapelle et organiste de l’église Notre-Dame de Caen. M. Karren est un homme d’un très grand talent comme organiste et maître de chapelle C’est un ancien élève de la maîtrise de Paris et il a été longtemps organiste à l’abbaye de Solesmes ». (4) En 1861, le maire de Caen crée au conservatoire municipal de musique une classe d’orgue et d’accompagnement de plain-chant qui est confiée à Nicolas Karren. Il en démissionnera en octobre 1880. (5)
PHOTOGRAPHE A CAEN : Quand il ne tenait pas l’orgue de Notre-Dame de Caen, Nicolas Karren jouait avec plaisir d’un instrument plus discret et d’un fonctionnement somme toute plus simple, la chambre noire avec laquelle il faisait des photographies. Pendant quelques années ce fut une passion d’amateur. En 1866, il en fait son métier sans renoncer pour autant à ses activités musicales. Le photographe caennais Etienne de Grisy -que Karren devait connaître- meurt le 1er janvier 1866 à l’âge de 35 ans. Son atelier de pose sis 111, rue Notre-Dame (6) est à vendre. Karren se porte acquéreur. « Le Bonhomme normand » s’en fait l’écho le 31 mars : La photographie est-elle un art ? Nous pencherions pour l’affirmative en voyant les premiers photographes de notre ville se recruter parmi les artistes en tout genre… Voici maintenant un professeur de musique, un organiste de mérite, M. Karren, qui depuis longtemps manipulait en amateur le collodion, et qui va maintenant nous faire poser dans l‘atelier de M. de Grisy, dont il vient de se rendre propriétaire moyennant 9,100 fr. … » (7) Nicolas Karren n’est pas devenu photographe professionnel parce que l’occasion s’est présentée. Il s’intéressait de près aux progrès techniques de son métier. Membre de la Société des beaux-arts de Caen depuis décembre 1860, il y présenta en 1876 une note sur la photochromie (le procédé de Léon Vidal). (8) En 1880, il expérimente dans son atelier caennais la platinotypie, procédé de tirage Platine. (9 Pendant les seize années où il a été actif à Caen, Karren ne pouvant mener de front son métier de photographe et ses cours de musique, était secondé dans son atelier par au moins un employé. On connaît le nom de trois d’entre eux : Jean-Claude Pèretmère, photographe 111, rue Notre-Dame qui se marie en 1874 et qui a pris témoin Nicolas Karren ; Jules Exupère Marie, photographe 111, rue Saint-Pierre qui le 3 septembre 1877 vient déclarer le décès de Sophie Karren, fille de Nicolas ; Raphaël Filleul qui est recensé à la même adresse en 1881. Entre-temps, Nicolas Karren avait déplacé son atelier du 111, rue Saint-Pierre au 7, place Royale. Il y travaillera jusqu’à ce qu’il quitte Caen, mettant ainsi fin à sa carrière de photographe professionnel.
MUSICIEN A MAISONS-LAFFITTE : Dans la liste des membres de la Société des beaux-arts de Caen dressée le 1er mars 1883, on relève le nom de M. Karren, professeur de musique, rue de Mexico à Maisons-Laffitte (Yvelines). (10) C’est à ce titre qu’il sera fait officier de l’instruction publique en 1898. (11) En 1885, il prend la direction de l’Alliance musicale de Maisons-Laffitte et du Mesnil-le-Roi dont il sera le chef pendant presque vingt ans. Installé depuis peu à Maisons-Laffitte, il compose un quatuor dont l’exécution fera « le plus grand effet » le 3 avril 1883 lors de la messe d’un mariage célébré en grandes pompes à Paris. (12) Il a composé au moins une valse « Phoebé la blonde ».
On imagine que pendant toutes les années où il a vécu à Maisons-Laffitte, Nicolas Karren a continué à pratiquer la photographie en amateur.
Agé de 69 ans, il est mort le 18 juillet 1904 à Maisons-Laffitte.
Cette notice a été rédigée en collaboration avec Pascal Cordonnier.
Notes et sources :
(1) Geneanet – Généalogie de Pierre Marie Meynadier.
(2) La biographie de dom Prosper Gueranger est consultable en ligne sur le site de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. https://www.abbayedesolesmes.fr/abbe/dom-prosper-gueranger
(3) Toutes les informations sur la carrière d’organiste de Nicolas Karren à Solesmes proviennent des Archives de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Le premier orgue s’avérant insuffisant, il sera remplacé en 1857 par un instrument construit par Charles Verschneider, frère cadet de Frédéric. En 1871, alors qu’il vivait à Caen, Nicolas Karren viendra faire une expertise de cet orgue qui avait été restauré par la maison Debierre.
(4) Normannia « L’Indicateur de Bayeux » du 5 avril 1861 « De l’état actuel de la musique sacrée dans le diocèse de Bayeux » par M. Alfred Lair, de Beauvais, membre de l’Académie pontificale.
(5) Gallica – « Bulletin de la Société des beaux-arts de Caen » voL 7 1888. Le conservatoire de musique de Caen par Jules Carlez.
(6) Le 111 rue Notre-Dame est devenu le 111, rue Saint-Pierre en 1876 environ : Marie Régina Karren, troisième enfant du photographe, est née au 111, rue Notre-Dame le 24 février 1875 ; sa grande sœur, Sophie, est décédée au 111, rue Saint-Pierre le 2 septembre 1877.
(7) Normannia « Le Bonhomme normand » du 31 mars 1866.
(8) Gallica « Bulletin de la Société des beaux-arts de Caen » vol 5 1878. -séance du 12 mai 1876.
(9) Gallica « Bulletin de la Société des beaux-arts de Caen » vol 6 1879 – séance du 13 février 1880.
(10)« Bulletin de la Société des beaux-arts de Caen » vol. 7 1883.
(11) Gallica « Journal officiel de la République française » du 2 février 1898.
(12) Gallica « Bulletin de l’imprimerie et de la librairie – avril 1883.