Léon MELTZER

(1883-1957)
Photographe d'atelier
5 photographies

Paris Seine Villeneuve-Saint-Georges Val-de-Marne

Lipmann -dit Léon- Meltzer serait né en 1883 dans une commune polonaise annexée à l’Empire russe . Juif, il émigre en France, toute comme le fera sa futur épouse Idess Fouksman, née en 1886 à Kichinev, principale ville de la Bessarabie tsariste. (1) On ignore à quelle date et dans quel pays, les deux exilés se sont mariés Leur fille aînée, prénommée Jeanne, voit le jour le 5 octobre 1907 au 282, faubourg Saint-Martin à Paris (14e). Sur l’acte de naissance, Léon Meltzer est photographe, sans doute employé dans un atelier de la capitale

VILLENEUVE SAINT-GEORGES :  En mai 1910, il reprend l’atelier d’Adolphe Fontenelle 2, avenue Carnot à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).  (2)  Il le place à l'enseigne "Grande Photographie d'Art Franco-Russe". Le couple Meltzer et leurs enfants sont recensés à cette adresse en 1911. Ils vivront là au moins jusqu’en 1939. (3)  Mais Léon Meltzer ne travaillera pas qu’à Villeneuve-Saint-Georges. Après la Première Guerre mondiale, il s’installe à Paris.

PARIS :  Au printemps 1921, il fait paraître une annonce dans la revue « Le Photographe ».  « On demande ménage pour gérer Maison de photographie Meltzer. S’adresser 111, rue de Rennes ».  (4) Deux ans plus tard, dans la même revue, il offre un emploi à un très bon retoucheur d’agrandissements à façon.  (5) Son studio de la rue de Rennes, qu’il a placé à l’enseigne Photo-Lutetia, permet à Léon Meltzer de s’intégrer au monde de la photographie professionnelle. En avril 1924, il devient actionnaire de l’Ecole professionnelle de photographie et de cinématographie où son fils Louis fera ses études. (6) En septembre 1928, il participe au Congrès national de la photographie professionnelle qui se tient à Paris. Il y intervient le 25 septembre pour critiquer la pratique des portraits primes ou portraits gratuits. (7) Deux mois plus tard, « Le Photographe » publie le portrait de groupe de 116 professionnels qui ont participé au congrès dont Léon Meltzer. Il pose derrière son confrère Laurent Vizzanova. (8) Treize ans plus tard, il était hors de question que les deux hommes posent l’un à côté de l’autre. En 1941, Léon Meltzer et tous ses confrères Juifs, devaient être effacés de la photo de famille.

1941-1942 : Le 10 avril 1941, la Chambre syndicale française de la photographie et de ses applications est autorisée à se réunir. Son président, Jacques Chevojon « expose les mesures qu’il a fallu prendre en application de la loi et des ordonnances allemandes sur le statut des Juifs. Il remercie les administrateurs provisoires pour leur doigté à accomplir la tâche ingrate qui leur est confiée ». (9) Evoquer une « tâche ingrate » est un bel euphémisme. En application des instructions établies dès novembre 1940 par l’état-major administratif allemand « les commissaires-gérants des entreprises juives ont en premier lieu la tâche de supprimer définitivement l’influence juive dans l’économie française » tout en assurant la continuation de ces entreprises. (9) Au printemps 1941, Laurent Vizzanova, photographe 65, rue du Bac, maire-adjoint du 7e arrondissement mais surtout vice-président de la Chambre syndicale est nommé commissaire-gérant des entreprises juives. Une première liste de cinq noms est publiée en avril 1941 (*)

En 1942, ce n’est plus l’influence juive dans l’économie française que les Nazis veulent supprimer définitivement mais les Juifs eux-mêmes.  A compter du 7 juin 1942, Léon Meltzer et son épouse doivent coudre une étoile jaune sur leur vêtement. Un mois plus tard, les 16 et 17 juillet, 9 000 policiers et gendarmes français arrêtent 13 152 Juifs étrangers. (12)  La plupart, privés de nourriture, sont enfermés pendant cinq jours dans l’enceinte du Vélodrome d’hiver avant d’être répartis dans plusieurs camps de transit dont celui de Pithiviers.  C’est de là qu’Idess Fouksman épouse de Léon Meltzer partira le 21 septembre 1942 vers le camp d’Auschwitz-Birkenau.  (13) Dans le convoi n°35 s’entassaient 1000 Juifs. Environ 640 seront gazés dès leur arrivée. (14) Léon Meltzer ne sait pas que son épouse a été assassinée quand le 20 novembre 1942 « Le Photographe » publie la liste de huit entreprises juives qui doivent être aryanisées dont la « Photo-Lutetia ». Au bas de la liste, M. Vizzanova engage les adhérents (de la Chambre syndicale) « à n’accepter des maisons précitées que les commandes préalablement visées par lui, lesquelles seront exclusivement réglées au comptant » (15) 

Nous ne sommes pas documentés sur la vie et le travail de Léon Meltzer jusqu’à la libération de Paris. (16) Après la guerre, il aurait ouvert le Studio Damrémont situé 39, rue Damrémont à Paris (18e) où sa fille Jeanne, épouse Grudski, lui succédera. (17) Agé de 74 ans, Lipmann Meltzer a été inhumé au cimetière des Batignolles le 6 avril 1957.

 

Notes et sources :

(1) Kichinev, désormais appelée Chisinau, est aujourd’hui la capitale de la République de Moldavie. En 1903 puis en 1905, elle avait été le lieu de deux progroms qui avaient fait plusieurs dizaines de victimes parmi la communauté juive de la ville.

(2) Gallica « Archives commerciales de la France » du 21 mai 1910.

(3) Au printemps 1939, Léon Meltzer met en vente son atelier de Villeneuve-Saint-Georges : « Aff. Très intéress. Banlieue proche. A vendre Studio jour élect. Avec appart. Pris très intéressant ». « Le Photographe » du 5 mars 1939.

(4) Gallica « Le Photographe » du 20 mars 1921.

(5) Gallica « Le Photographe » du 20 janvier 1923.

(6) Gallica « Le Photographe » du 5 avril 1924 et du 5 mai 1932.

(7) Gallica « Le Photographe » du 5 novembre 1928.

(8) Gallica « Le Photographe » du 20 novembre 1928.  En 1933, Léon Meltzer et Laurent Vizzanova siégeront ensemble à la commission des élections de la Chambre syndicale française de la photographie et de ses applications.

(9) Gallica « Le Photographe » du 5 mai 1941.

(10) Archives nationales.  Inventaire des archives du Commissariat général aux questions juives et Service de restitution des biens aux victimes de lois et mesures de spoliation. Historique du producteur.

https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR.action?irId=FRAN_IR_054029

(11) Gallica « Le Photographe » du 20 avril 1941.

(12 Wikipedia La rafle du Vel d’Hiv.

(13) Yad Vashem Institut international pour la mémoire de la Shoah. Base de données centrales des noms des victimes de la Shoah. L’épouse du photographe y est inscrite avec pour prénom Ides au lieu d’Idess.

(14) Yad Vashem – Convois vers l’extermination. Convoi 35 de Pithiviers

(15) Gallica « Le Photographe » du 20 novembre 1942.

(16) Les Archives nationales conservent 62 000 dossiers d’aryanisation de biens juifs dont probablement celui de Léon Meltzer que nous n’avons pas consulté.

(17) Dans « Le Photographe » du 5 janvier 1951, il est fait état d’un désaccord entre les photographes de Clichy et le studio Damrémont représenté par M. Meltzer. L’une des spécialités du studio Damrémont était de photographier un médecin hospitalier entouré du personnel du service qu’il dirigeait, ce que Léon Meltzer avait souvent fait avant guerre quand il opérait à l’enseigne « Photo-Lutetia ».