Louis DARGET

(1847-1923)
Officier de cavalerie et « photographe des fluides »

Tours Indre-et-Loire

Carrière militaire.

Fils d'un instituteur du Gers, Louis Darget entre à  dix-huit ans comme engagé volontaire à  l'école de cavalerie. Il servira dans cette arme pendant près de quarante ans. Il terminera sa carrière militaire à  Tours, où il sera en garnison de 1895 à  1903, avec le grade de chef d'escadron au 8e régiment de cuirassiers.

Le 27 octobre 1870, le jeune Darget, maréchal des logis chef au 10e régiment de chasseurs, est fait prisonnier par les Prussiens lors de la capitulation de Metz sans avoir vraiment combattu. Il réussit à  s'évader. Ce fut le seul événement d'une carrière assez terne d'officier de cavalerie que ses supérieurs jugeaient sévèrement : « Officier supérieur très ordinaire ; commun de manières ; son esprit brouillon et son manque de jugement lui font toujours compliquer les questions les plus simples Caractère bizarre. Manque de suite dans les idées ». En 1900, son chef de corps propose qu'il soit mis en demeure de demander sa retraite. En définitive, on se contentera de le déplacer du 5e régiment de cuirassiers au 8e. Il prend sa retraite le 28 mars 1903.

 

Le spiritisme.

Louis Darget, alors sous-lieutenant en garnison à  Vendôme, est présent, en uniforme, dans l'atelier d'Edouard Buguet quand la police parisienne fait le 22 avril 1875 une descente pour confondre le « photographe spirite ». Lombard, le policier chargé de confondre Buguet écrit dans son rapport : « M. Darget a déclaré qu'il venait pour la 1ère fois chez le Sieur Buguet, afin d'obtenir de lui la photographie d'un de ses parents décédé ; il a ajouté toutefois qu'il correspondait avec lui depuis longtemps Darget ; qui paraît être un spirite convaincu, a reconnu que le sieur Buguet avait pu se livrer à  des manoeuvres frauduleuses, mais que quant à  lui, Darget, il n'en persistait pas moins à  croire que Buguet avait obtenu avec ou sans son procédé des résultats merveilleux et certains ». C'est Darget qui va alerter Pierre Leymarie, directeur de « La Revue spirite » de l'arrivée des policiers dans l'atelier de Buguet.

Pourtant, quand le tribunal correctionnel de Paris, les 16 et 17 juin 1875, juge Buguet et ses complices, Darget ne vient pas témoigner en sa faveur contrairement au capitaine Bourgès du 4e régiment de chasseurs, venu exprès de Marseille, déposer en faveur de Buguet et qui sera admis ensuite à  faire valoir ses droits à  la retraite.

La participation de militaires à  l'affaire des photographies spirites irrite au plus haut point le ministère de la Guerre. Dans une note, datée d'août 1875, on lit ceci à  propos de Darget : « Il est évident qu'un homme absorbé par des idées de cette nature, ne peut être en état à  un moment donné de diriger ses subordonnés dans des circonstances critiques alors qu'un grand bon sens et un jugement sain sont de toute nécessité ».

Le ministère envisage un temps de le muter d'office dans la gendarmerie mais cette sanction lui sera épargnée. Il poursuit sa carrière d'officier dans la cavalerie et sera même décoré de la Légion d'honneur en 1890. Le fait qu'Edouard Buguet ait publiquement avoué que ses photographies spirites n'étaient que des montages grossiers n'éloignera Darget ni du spiritisme ni du photographe. Buguet, alors installé à  Tours, signera en 1882 un étonnant portrait de Darget qui ne sera affecté en Touraine que douze ans plus tard. La photo, format carte de visite, présente l'officier posant en tenue. Rien que de très ordinaire, si ce n'est que Darget a sur son front une sorte de lune qui selon lui était une boule fluidique.

La photographie des fluides.

Photographe amateur, Louis Darget deviendra en 1900 un membre actif de la Société photographique de Touraine. Mais ce qu'il cherchait à  reproduire devait déconcerter les autres membres de l'association habitués à  poser leur appareil sur les bords de la Loire ou devant les châteaux. Avec quelques autres, dont Hippolyte Baraduc avec lequel il travaillera, Darget cherche à  reproduire le fluide vital. Clément Chéroux écrit : « Concentrant sa pensée sur une bouteille Darget note au cours d'une expérience : « Il semble que la forme-bouteille que je maintenais, à  dessein, dans mon cerveau, ait été projetée sur la plaque, qu'elle soit sortie de mon cerveau, lumineuse, traversant la boîte crânienne à  la façon des rayons X ».

Sous le pseudonyme de « Commandant Tegrad », il décrira en 1899 ses expériences dans deux articles publiés dans « Le Spiritualisme moderne » . Le premier a pour titre : Quelques notes générales sur les fluides » et le deuxième : « Photographie des radiations psychiques ». En 1905, alors qu'il est en retraite, le commandant Darget écrit une lettre ouverte à  l'Académie des sciences sur la « Photographie des effluves humaines ». La majeure partie du travail de Darget sur la photographie des fluides ou la photographie de la pensée a été réalisée alors qu'il se trouvait en garnison à  Tours. Andreas Fischer note que Darget jusqu'en 1902 a pris près de 1 500 clichés qui ont donné lieu à  autant de comptes-rendus dans ses cahiers. Une partie de ses archives se trouve aujourd'hui conservée à  Fribourg-en-Brisgau à  l'Institut fà¼r Grenzgebiete der Psychologie und Psychohygiene (IGPP).

Les photographies de Darget sont très recherchées par les amateurs. Un cliché daté du 17 juillet 1897 a été proposé 3 000 euros en août 2011.

En janvier 1913, dix ans avant sa mort, Louis Darget se rend à  Vienne en Autriche et donne une conférence sur les rayons V -les rayons vitaux-, dont il est l'inventeur. L'assistance, selon « L'Echo de Paris » était des plus brillantes : la princesse de Hohenlohe, la princesse et les princes de Thurn und Taxis, le prince de Lichtenstein, l'ambassadeur de France, l'ambassadeur de Grande-Bretagne Il obtint un très vif succès.

Darget est aussi l'auteur d'une brochure (sans date) diffusée chez les libraires de Tours et dont la page de couverture porte les mentions suivantes : Commandant Darget Manuel des rentiers. Ordres de bourse au comptant. Moyens de ne pas être trompé. Les Mystères et les tortuosités de la finance. Ecrit pour le Bien public même celui des Financiers ; car la probité est l'âme des bonnes affaires ».

Sources :

Archives du ministère de la Défense. Dossier d'officier de Louis Darget (6Yf30414)

Préfecture de police de Paris Dossier Buguet (Ba 880)

Le Troisième oeil. La photographie et l'occulte. Catalogue de l'exposition présentée à  la Maison européenne de la photographie à  Paris puis au Metropolitan Museum of art à  New York (Gallimard 2004). Ceux qui s'intéressent à  « la photographie des fluides ou photographie de la pensée » liront avec profit les études de Clément Chéroux sur « La photographie des fluides : un alphabet des rayons invisibles » et d'Andreas Fischer sur : « La lune au front » Remarques sur l'histoire de la photographie de la pensée».