Pierre LEOTARD DE LEUZE

(1796-1861)
Daguerréotypiste

Paris

Pierre Guillaume Prosper Léotard est né le 17 décembre 1796 à Brignac (Hérault). Son père, Jean-Jacques Léotard (1745-1816) dit l’Américain, ancien planteur, avait eu six enfants de sa relation avec sa gouvernante qu’il n’épousera qu’en 1806. (1) Marié à Sophie Deleuze, Pierre Léotard se fait désormais appeler Léotard de Leuze. En 1842, alors qu’il est employé au ministère de l’intérieur,  il s’intéresse de près à la technique du daguerréotype. Son nom reste attaché à deux brevets d’invention.

 LA COLORATION DES EPREUVES : Le 1er mars 1842, il rédige le descriptif d’un procédé propre à la coloration des épreuves obtenues par le daguerréotype. Avant d’entrer dans le détail de son procédé, il écrit ceci : « A peine  l’invention du Daguerréotype a-t-elle été mise au jour que de toutes parts on a senti de quel prix serait la découverte d’un moyen qui put donner à chaque objet reproduit par la chambre noire, le coloris qui lui est propre. Des recherches sans nombre ont été faites jusqu’à ce jour, tant à l’aide de moyens physiques qu’au moyen de combinaisons matérielles, c’est-à-dire par l’application immédiate des couleurs sur les épreuves. Mais, d’un côté, la science en est encore réduite à des espérances qu’elle craint, avec quelque raison,  de ne voir jamais se réaliser ; et de l’autre, l’industrie, malgré ses efforts, n’a pu arriver à des résultats satisfaisans, en cherchant à fixer sur la surface de la laque toujours si délicate, des substances colorantes. Il fallait donc sortir des voies ordinaires et arriver à une coloration qui, en donnant de l’éclat et de la vie à l’image figurée, n’ôtât rien à la finesse ni à la transparence de ses moindres détails, et qui présentât, surtout, des garanties de durée incontestable (…) . Ensuite, il décrit par le détail les différentes opérations de son procédé qui nécessitent d’employer du papier végétal imbibé d’huile d’olive, de l’essence de térébenthine de Venise mais aussi des fragments dégraissés de boyau de bœuf. Ce descriptif a été mis en ligne par l’Institut national de la propriété industrielle sur sa base « Brevets du 19e siècle ». (2).   L’inventeur remet ce document à la préfecture de la Seine à l’appui de sa demande de brevet  et écrit au ministre de l’agriculture et du commerce : "Après de longues et de laborieuses recherches, je suis parvenu à découvrir un moyen pour la coloration des épreuves obtenues par le daguerréotype. Les témoignages flatteurs que m’ont valus mes résultats m’engagent à conserver la propriété de mon travail. » Le 21 septembre 1842, le ministre lui délivre un brevet de cinq ans qui sera  prolongé d’une durée égale à la demande de l’intéressé.

Pour tirer des bénéfices de son brevet d’invention, Léotard de Leuze doit très vite en faire  la publicité par  le moyen d’une annonce dans la presse, y compris celle de province. Dans « Le Courrier de la Drôme et de l’Ardèche » daté du 3 janvier 1843, on lit ceci : «  La coloration des épreuves est un pas immense que M. Léotard de Leuze, inventeur de ce procédé, a fait faire à la photographie. Les portraits obtenus par ce moyen sont de véritables et charmantes miniatures parfaites de ressemblance et présentant une chaleur de coloris tout-à-fait remarquable. Ces portraits et reproduction, ainsi coloriés, n’ont plus de miroitement, et n’ont pas besoin de verres pour être conservés. Cette invention complète l’admirable découverte de Daguerre. » (3)

 Léotard de Leuze démissionne de son emploi au ministère et ouvre un atelier de daguerréotype 48, rue Vivienne au Palais-Royal, centre névralgique de la photographie à cette époque.

LE POLISSAGE DES PLAQUES : Le 8 juin 1843, Léotard de Leuze dépose un second brevet pour un procédé de polissage des plaques dans les opérations du daguerréotype. Le descriptif de son procédé sera diffusé sous la forme d’une plaquette de huit pages qui porte en titre : « Nouvelle méthode brevetée pour le polissage des plaques dans les opérations du daguerréotype, sans coton, ni autre substances usitée jusqu’à ce jour ». Pour cette invention il obtient, le 5 août 1843, un brevet de cinq ans.

L’inventeur n’avait pas attendu d’avoir obtenu, ni même déposé,  ce deuxième brevet pour en faire la publicité. En avril 1843, il fait paraître dans les journaux de la capitale mais aussi ceux de province (4) l’annonce suivante : « Portraits au Daguerréotype coloriés – rue Vivienne 48, à Paris. M. le ministre de l’intérieur a décerné une récompense spéciale et unique à M. Léotard de Leuze pour l’importante amélioration par lui apportée au Daguerréotype, en parvenant à reproduire avec tout l’éclat, la vérité et solidité du coloris naturel, comme sans verre ni miroitage, les portraits, paysages, fleurs, tableaux et autres objets quelconques.

- M. Léotard de Leuze vient aussi de réussir à polir toutes les plaques, même les plus grandes, les plus sales, chlorurées et tachées de mercure, sans coton ni autres moyens usités, et avec une économie des neuf dixièmes de temps, frais et fatigue ordinaires et un degré de perfection supérieur et assuré. Il entre en arrangement pour ces deux inventions brevetées. »

 Dans l’esprit de Léotard de Leuze, « entrer en arrangement » signifiait peut-être  permettre à des daguerréotypistes d’utiliser les procédés qu’il avait inventés moyennant une redevance. Sans doute cette proposition ne rencontrât guère de succès car Léotard de Leuze  ne fit pas carrière dans le daguerréotype.

Redevenu employé, Pierre Léotard (il n’est plus question de De Leuze) continue néanmoins à faire des recherches.  En novembre 1851, associé à Paul Rabier, il dépose un brevet pour « un collier métallique destiné à prévenir le suintement de l’huile et le dessèchement de la couleur contenue dans les vessies employées dans la peinture. » (5)

Il se présente comme  rentier, le 19 juin 1860, quand il vient déclarer la naissance de sa fille, Prospérine Léotard, née de sa relation avec Rose Héloise Kjolis qui avait trente-sept ans de moins que lui. (6) Prospérine ne connaîtra guère son père qui décède le 23 janvier 1861 à Paris (18e). Sur son acte de décès, il est qualifié d’homme de lettres.

Sources :

(1) Geneanet – Arbre généalogique mis en ligne par Thierry Garel.

(2) Institut national de la propriété industrielle. Base brevets du 19e siècle.

- 1BA10118 – Coloration des épreuves.

- 1BA11196 – Polissage des plaques.

(3) « Le Courrier de la Drôme et de l’Ardèche » du 3 janvier 1843. Consultable en ligne sur Lectura Plus - Portail du patrimoine écrit et graphique en Auvergne – Rhône – Alpes.

(4) L’annonce de Léotard de Leuze a été publiée entre autres  par :

-  « Le Journal des Débats » des 12 et 27 avril 1843 et du 12 mai 1853. Mis en ligne par la Bibliothèque nationale de France sur Gallica.

- « Le Journal d’Indre-et-Loire » du 19 avril 1843 ;

- « Le Courrier du Gard » du 19 avril 1843. Consultable en ligne sur Ressources – Patrimoines en Occitanie.

- « Le Mémorial d’Aix » du 20 avril 1843. Mis en ligne par la Bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence.

(5) Institut national de la propriété industrielle. Base brevets du XIXe siècle. -1BB12752

(6) Geneanet – Arbre généalogique mis en ligne par Annie Bénard.