Eugène MAUNOURY

(1830-1896)
Photographe d'atelier
1 photographie

Angers Maine-et-Loire Laval Mayenne Paris Seine Santiago-du-Chili - Valparaiso Chili; Lima Pérou

Eugène Maunoury est né le 9 juillet 1830 à Villeparisis (Seine-et-Marne). Son père, Jean-Baptiste Maunoury (1790-1861) y était aubergiste. A l’âge de 19 ans, il était entré dans un régiment de chasseurs à pied de la Garde impériale. Il fera les campagnes d’Espagne, de Russie, de Saxe et de France où il sera blessé à la cuisse. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 21 février 1814. (1)

Eugène Maunoury n’est encore qu’un enfant quand ses parents quittent Villeparisis et viennent vivre à Paris. C’est dans la capitale que le jeune homme acquiert la formation artistique qui lui permettra de devenir dessinateur et photographe. Des métiers qu’il a d’abord exercés en Amérique du Sud.

CHILI

SANTIAGO-DU-CHILI : Eugène Maunoury a 26 ans quand il s’installe à Santiago-du-Chili en 1856. (2) La Bibliothèque nationale de France conserve un album de photographies avec des vues de Santiago et de Valparaiso que l’on peut lui attribuer. (3)

VALPARAISO :  Après avoir quitté la capitale, Maunoury part travailler dans le grand port chilien de Valparaiso Il y est associé à un certain Imbert dont on ne sait rien. (4) En novembre 1858, les deux hommes sont aux premières loges pour témoigner des ravages causés par l’incendie de la ville.  Dans l’album de photographies de la Bibliothèque nationale de France mentionné ci-dessus, celle qui est cotée G75063 nous montre l’atelier d’Eujenio Maunoury à Valparaiso ; deux hommes posent à la fenêtre du 1er étage, sans doute Maunoury et, un peu en retrait, Imbert.  (5)

Maunoury a été actif au Chili jusqu’en 1860 puis s’est installé à Lima. Il quitte le Pérou au printemps 1865 et revient à Valparaiso. L’Espagne et le Chili étant en guerre, la marine espagnole avait procédé à un blocus du port.  « Le Monde illustré » daté du 16 septembre 1865 reproduit une vue de la rade de Valparaiso en état de blocus ainsi qu’un cortège de Chiliennes se rendant au bord de la mer. Ces illustrations ont été faites d’après des photographies de Maunoury. (6)

PEROU

LIMA : En août 1861, lors de la liquidation de la succession de son père à Paris, Eugène Maunoury est dessinateur à Lima. (7) Cependant, il semble qu’à cette date il était aussi photographe avec pour employé Michel Courret qui travaillera bientôt à son compte avec son frère. (8) En janvier 1862, Maunoury ouvre un atelier de pose calle del Palacio près du palais du gouvernement. (9)  Il aura aussi une succursale à Arequipa où travaillait Léon Jamet. Maunoury n’était pas le premier Français a opéré au Pérou.  Philogone Daviette y pratiqua le daguerréotype entre 1842 et 1844 ; Associé à Amic Gazin puis seul, Emile Garreaud sera actif à Lima à partir de 1856 à l’enseigne « Photographie de Paris ». (10) En 1859, Félix Carbillet sera, le premier au Pérou à faire des portraits carte de visite mais il n’y restera pas longtemps. En 1863, les principaux ateliers liméens (Maunoury, Courret frères, Garreaud et Richardson) se font une concurrence qui aurait pu leur être fatale. La guerre se termine par la signature d’un accord commercial sur les prix dont le texte, chose étonnante, est publié le 18 septembre 1863 dans « El Mercurio ».  La paix revenue, Maunoury s’impose comme le portraitiste attitré des notables liméens avec un atout dans sa poche : Nadar.  Dès le mois de décembre 1862, Maunoury peut se targuer d’être le correspondant de Nadar au Pérou et apposer sur ses portraits le fameux N rouge, la signature de Nadar à Paris. Une signature que l’on retrouve sur le portrait post mortem de Mariscal Miguel de San Roman, 25e président du Pérou, décédé le 3 avril 1863. (11) Le photographe français fera un reportage sur ses funérailles nationales et enverra les épreuves au « Monde illustré », dont il était le correspondant au Pérou. (12)   C’est à ce titre que, Maunoury photographiera un plant de coca envoyé à la Société d’acclimatation par M. de Lesseps, consul général de France au Pérou. (13) Le 14 novembre 1864, le congrès international des Etats de l’Amérique du Sud se réunit à Lima. Deux mois plus tard, « Le Monde illustré » reproduit en couverture le portrait des dix chefs d’Etat « d’après les croquis de M. Charton  et les photographies de M. Maunoury ». (14)   Le 4 février 1865, 150 officiers et marins espagnols débarquent à Callao, le port de Lima et 90 d’entre eux prennent le train jusqu’à Lima. Bien que l’Espagne et le Pérou aient signé un traité de paix, les marins espagnols sont violemment pris à partie par des habitants de la capitale.  Les Espagnols se réfugient à la légation française. Maunoury est sur place. Dans « Le Monde illustré » du 6 mai 1865, il rend compte des troubles survenus deux mois plus tôt à Lima et décrit des Espagnols agressés par « une populace de nègres, de métis et d’indiens ».  (15) Une vision réductrice et caricaturale du peuple péruvien qui ne pouvait que déplaire aux autorités locales. Persona non grata au Pérou, Eugène Maunoury, après un passage à Valparaiso, revient en France.

FRANCE

PARIS : En 1866, Eugène Maunoury opère dans un atelier situé 13, rue des Saints-Pères dans   le 6e arrondissement. C’est là qu’est née le 12 septembre 1867 Emma Eugènie, fille de Manuela Vergara et d’un père non dénommé. Elle sera reconnue un an plus tard quand Eugène Maunoury, « artiste peintre » épousera Manuela Vergara, chilienne, dont le premier époux, Joseph Pagan, était décédé à Santiago le 29 décembre 1865.

Pendant dix ans Eugène Maunoury sera à Paris un photographe réputé. Comme une poignée d’autres professionnels de la capitale, il se spécialisera dans les portraits de personnalités du monde politique et artistique ; portraits qui seront réunis dans « La galerie contemporaine publiée par les journaux illustrés de Paris ». Maunoury se présentait comme le photographe de l’Assemblée nationale, du Sénat, des Ecoles polytechnique et Saint-Cyr, des ministères et ambassades. Pourquoi, avec une telle carte de visite, décida-t-il de quitter la capitale pour venir à Angers ?  Mystère. C’est Joseph Hermet qui lui succédera dans l’atelier de la rue des Saints-Pères.

ANGERS :  Eugène Maunoury s’installe dans la ville chef-lieu du Maine-et-Loire en 1876. Il succède à René Vétault au 3, place de Lorraine. « Le Libéral de la Vendée » s’en fait l’écho dans son édition du 26 mars 1876 : « Il n’est guère possible de traverser la place de Lorraine sans être tenté de regarder ces belles photographies qui vous attirent et présentent le séduisant aspect des plus brillantes peintures. Approchez : vous êtes en face de la galerie des célébrités artistiques, littéraires, et politiques, toujours sorties de l’objectif de   M. Maunoury, l’intelligent successeur de M.  Vétault…  Nous sommes convaincus que la faveur du public angevin se manifestera à son égard par des preuves multiples et l’engagera à se fixer définitivement parmi nous. » (16) A lire cette dernière phrase, on comprend que Maunoury n’était pas certain de s’installer « définitivement » à  Angers. Des portraits carte de visite faits 3, place de Lorraine portent au dos la mention « actuellement à Angers ». Cependant le photographe opèrera près de dix ans dans la préfecture du Maine-et-Loire, d’abord place de Lorraine puis dans un hôtel privé situé 41, rue des Lices où il est recensé en 1881 avec son épouse et leur fille.  En 1886, c’est le photographe Emile Launay qui lui a succédé rue des Lices. Maunoury a dû lui céder son fonds de commerce en 1885 avant de revenir à Paris.

PARIS :  De retour dans la capitale, Maunoury reprend, sans doute en 1884, l'atelier du 10, boulevard Montmartre où il succède à Adéodat Decagny dont la faillite avait été réglée en décembre 1883.  Mais le Maunoury du boulevard Montmartre n’est plus celui qui, dix ans plus tôt, photographiait les célébrités rue des Saints-Pères. Le photographe délaissera assez vite cet atelier.   Dès décembre 1887, Emile Van Bosch   succède à Eugène Maunoury, dont il est le locataire, au 10, boulevard Montmartre. Le fonds de commerce proprement dit sera vendu 37 000 francs à Pierre Mockel, photographe et Auguste Guy, éditeur le 14 mai 1891. (17)

LEVALLOIS-PERRET : En 1891, Eugène Maunoury, son épouse et leur fille sont recensés 10, boulevard de Villiers à Levallois-Perret (Hauts-Seine). Rien n’atteste que le photographe ait travaillé dans cette commune limitrophe de Paris. Et c’est à 250 kilomètres de la capitale que le photographe sexagénaire va tenter de se relancer. Sans succès.

LAVAL : Le samedi 26 juin 1893, Eugène Maunoury inaugure le splendide atelier qu’il a fait aménager 5, place de Cheverus en face la Caisse d’Epargne de Laval (Mayenne).  La presse locale ne tarit pas d’éloges : « Notre ville vient d’être dotée d’un établissement de premier ordre, tel qu’on n’en trouve que dans les plus grands centres, Paris, Lyon, Marseille, etc. Nous ne saurions dire ici avec quel soin minutieux, avec quel goût exquis, M. Maunoury, un photographe qui nous arrive précédé de la meilleure réputation, a décoré les salons qu’il vient d’ouvrir au public : ce ne sont que tentures aux reflets les plus variés, que portraits entourés de cadres de la plus grande richesse, qu’objets d’arts de toutes sortes ; signalons tout spécialement un petit salon japonais dont les murs sont tapissés des plus charmantes œuvres de Chéret. Les ateliers sont séparés des salons par une vaste cour qu’emplissent les gazons les plus verdoyants… » (18) Mais, bien que Maunoury ait rappelé qu’il pratiquait « le même prix que les autres maisons » , ni le petit salon japonais, ni les gazons verdoyants ne séduisirent assez de Lavallois pour maintenir à flot « un établissement de premier ordre ». En novembre  1894, Maunoury cède son fonds de commerce  à Julien Fouquet et revient à Paris. (19)

PARIS : De retour dans la capitale, Eugène Maunoury est dessinateur, domicilié 283, rue de Vaugirard (15e). Le 26 décembre 1896, en pleine nuit, il erre dans les rues. A 3 h 30, il se présente au poste de police de la rue de Choiseul et demande au brigadier de permanence de se chauffer parce qu’il se sent indisposé. On le laisse entrer. Quelques secondes plus tard, il sort un revolver et se tire une balle dans la tempe droite. La mort fut instantanée. (20)

Sources :

(1)   Base Léonore - dossier LH/1799/21.  Le brevet attestant que Jean-Baptiste Maunoury était titulaire de la Légion d’honneur avait été établi en 1814 au nom de Manouri Jean. Erreur de patronyme qui sera rectifiée…  quarante ans plus tard.

(2) Francine Agard-Lavallé et Bernard Lavallé « Del Garona al Mapocho : emigrantes, comerciantes y viajeros de Burdeos a Chile (1830-1870) » 2005.

(3)  Gallica - Cet album porte sur sa couverture les mentions Andenken an Chile (Souvenirs du Chili). Outre de belles vues de Santiago-du-Chili et de Valparaiso, le photographe a signé des épreuves qui n’avaient rien de touristique : mineurs de Copiapo dans le désert de l’Atacama, condamnés à mort entravés,  cabane de paysans dans la montagne. On notera qu’il s’est particulièrement intéressé aux modes de transports : locomotives, ponts et gares ferroviaires, route de Valparaiso à Santiago, convoi de roulage tiré par des bœufs.

 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8443045p.item

(4)   Hernan Rodriguez Villegas – Historia de la fotografia en Chile : registro de dagerrropistas, fotografos, reporteros graficos y camarografos 1840-1940 in  Boletin de  la Academia chilena de la historia n°96 (1985). Consultable en ligne sur www.bibliotecanacionaldigital.gob.cl

(5) A Valparaiso, Maunoury avait aménagé son atelier au 1er étage d’un immeuble dont le rez-de-chaussée était occupé par l’entreprise de transport d’un autre Français Joseph Léon Vigouroux (1811-1878). Il avait ouvert un service de « diligence » entre Santiago-du-Chili et Valparaiso. L’entreprise a périclité après que les deux villes ont été reliées par le chemin de fer en septembre 1863. (Geneanet – Généalogie de James Bezamat)

(6)   Gallica - « Le « Monde illustré » du 16 septembre 1865. Achille Bourdillat fonde en 1857 « Le Monde illustré » qui vient concurrencer « L’Illustration » dont le premier numéro était paru en 1843. Ces deux publications, comme leur titre l’atteste, font une large part à l’illustration sous la forme de gravures.  Les graveurs utilisaient souvent comme modèle des photographies. (Jean-Pierre Bacot « Panorama de la presse illustrée du XIXe siècle » in « La Civilisation du journal – Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle. »  Nouveau Monde éditions (2011) 

(7)   Marc Durand « De l’image fixe à l’image animée 1820-1910 » Archives nationales (2015)

(8) Isabelle Tauzin Castellanos, «Les frères Courret : reconstruction d’un parcours familial entre la France et le Pérou au XIXe siècle», Amérique Latine Histoire et Mémoire. Les Cahiers ALHIM [En línea], 39 | 2020, Publicado el 12 junio 2020, consultado el 30 julio 2023. URL: http://journals.openedition.org/alhim/8607; DOI: https://doi.org/10.4000/alhim.8607

(9)   Herman Schwarz « Fotografos franceses en el Peru del siglo XIX » dans  « Bulletin de l’Institut français d’études andines » 2007 n°36 (en ligne http://bifea.revues.org/4469  et Guillaume Flor : « Eugène Maunoury et la carte de visite » sur Lepetitjournal.com L’actualité locale et internationale pour les expatriés français et francophones.  https://lepetitjournal.com/lima/les-photographes-francais-lima-au-19eme-siecle-284053

(10)   Biographie d’Emile Garreau sur Wikipedia.

(11)   Coleccion Biblioteca Nacional del Peru. Portrait reproduit dans l’étude d’Herman Schwarz. Voir supra.

(12)  Gallica - « Le Monde illustré » du 30 mai 1863.

(13)  Gallica - « Le Monde illustré » du 20 septembre 1864.

(14)  Gallica – « Le Monde illustré » du 14 janvier 1865.

(15)  Gallica – « Le Monde illustré » du 6 mai 1865.

(16) « Le Libéral de la Vendée » du 26 mars 1876. Consultable en ligne sur le site de la Médiathèque Benjamin-Rabier de La Roche-sur-Yon.

(17)  Marc Durand « De l’image fixe à l’image animée 1820-1910 » Archives nationales (2015)

(18) « L’Avenir de la Mayenne » du 2 juillet 1893. Consultable en ligne sur le site de la bibliothèque municipale de Laval.

https://www.fondspatrimoniaux.laval.fr/archive/recherche/presse/n:101

(19)  Gallica – « Archives commerciales de la France » du 10 novembre 1894.

(20) RetroNews – « La Croix » du 27 décembre 1896 - « Le Rappel » du 28 décembre 1896.

 

Notice mise à jour le 31 juillet 2023.