Clovis PETITON

(1866-1932)
Photographe d'atelier - Industriel du parfum
2 photographies

Rouen Seine-Maritime

Clovis Auguste Petiton est né le 26 avril 1866 à Rouen (Seine-Maritime) où son père, Clovis Eugène, était acheteur en rouennerie et sa mère, Sophie Léonie Goulon, marchande modiste. Quand il vient déclarer la naissance de son fils, Clovis Eugène Petiton est accompagné de son frère, Arcade Petiton, lui aussi acheteur en rouennerie et de son beau-frère, Rémy Auguste Goulon, fabricant de tissus.

UN PHOTOGRAPHE PRECOCE : Le 27 février 1886, deux mois avant d’avoir atteint son 20e anniversaire, Clovis Petiton fait déjà parler de lui dans « La Cloche d’argent » - journal bihebdomadaire de Rouen : « M. Petiton, un photographe amateur doublé d’un artiste de goût, a eu l’heureuse idée, par ce temps de démolition à outrance, de fixer, au moyen de son appareil, les quartiers les plus intéressants du Rouen qui s’en va et les constructions du Rouen qui vient ; ces nombreuses photographies seront certainement fort goûtées des amateurs qui viendront nous rendre visite. » (1) Le mois suivant, le jeune photographe est remercié pour avoir envoyé à « La Cloche d’argent » « deux photographies pleines d’actualité : une vue de la porte de la caserne des Emmurés que l’on vient de détruire et une de la porte Guillaume Lion… » (2)

GOULON ET PETITON : Clovis Petiton devient photographe professionnel en 1887. Il n’a que 21 ans mais est associé à son cousin Auguste Goulon (3) qui a huit ans de plus que lui. Les deux hommes travailleront pendant sept ans à l’enseigne « Photographie-Modèle » dans un atelier situé 2, rue de la Grosse-Horloge -ou passage Saint-Herbland. Le local était vacant depuis le décès du photographe Guillaume Abel le 31 août 1886. Mais contrairement à leur prédécesseur, les deux cousins ne se limiteront pas à faire des portraits d’atelier. Bien au contraire. Le 23 juin 1888, malgré le mauvais temps, les deux artistes sont à pied d’œuvre pour photographier l’inauguration du Pont-d’Acier, nouveau pont qui franchit la Seine à Rouen. Deux semaines plus tard, « Le Monde illustré » publie une gravure « d’après la photographie instantanée de MM. Goulon et Petiton à Rouen » où l’on voit les officiels, à l’abri sous leur parapluie, traverser le pont. (4) Un mois plus tard, ils se rendent sur le port photographier l’épave de « L’Asturiano », un vapeur-pétrolier qui avait brûlé. (5) Les deux cousins signeront une vue de l’église Saint-Laurent (6) et des photographies des fontaines rouennaises qui seront exposées à la Société protectrice des monuments. (7) On peut, sans risque, leur attribuer deux belles épreuves acquises par le musée d’Orsay en 2006 : portrait d’un vieil homme ; boutique d’antiquaire ou intérieur de collectionneur. (8) Les deux photographes travaillent parfois séparément : en juin 1892, « M. Petiton de la Photographie Modèle », coureur cycliste amateur et membre de l’Association vélocipédique rouennaise, photographie l‘arrivée de la course organisée par son club dans la forêt de Moulineaux. (9) De son côté, Goulon assistera seul, le 11 novembre 1894, à l’inauguration du monument Pouyer-Quertier sur la place Cauchoise à Rouen. Ce reportage est le dernier qu’il fera en tant que photographe professionnel. Marié six mois plus tôt, Auguste Goulon va désormais se consacrer à la fabrique de tissus dont son père lui a confié les rênes.

CLOVIS PETITON : Après le départ de son cousin, Clovis Petiton travaille seul pendant trois ans dans l’atelier de ma re de la Grosse-Horloge. En 1897, il le transfère dans un hôtel privé 9, rue Guillaume-le-Conquérant. « Photographe des Musées » de Rouen », il publie à partir d’octobre 1895 la photographie des principaux tableaux du musée de peinture. « La collection de ces photographies tirées très artistiquement d’après le procédé orthochromatique Perron, comprendra douze séries de cinq photographies chacune… Le premier fascicule est dès maintenant en vente au prix de cinq francs ; on peut souscrire chez M. Petiton pour les douze séries ». (10) Dix ans plus tard, il reproduira sous forme de cartes postales les principales oeuvres du musée de Rouen. « L’exécution, grâce à la finesse et à la perfection du procédé, est de premier ordre et fait honneur au talent et à l’habileté de M. Petiton » (11) Autres preuves du talent et de l’habileté du photographe : ses portraits. Le 5 novembre 1898, dans son compte-rendu de l’exposition d’art photographique, le critique de « L’Echo de Rouen » relève que « parmi les nombreux envois qui ont été faits soit par les professionnels, soit par les amateurs il en est de vraiment admirables. Nous mentionnerons notamment les remarquables portraits présentés par M. Clovis Petiton, notre concitoyen, dont il serait puéril de faire ici l’éloge ». (12) Eloge qui n’était pas tout à fait désintéressé. En 1899 et 1900, à sept reprises, la page une de l’hebdomadaire rouennais est illustrée par « un dessin de A. Leroy d’après une photographie de C. Petiton ». Membre actif de l’Association vélocipédique rouennaise, Clovis Petiton participera aussi aux travaux du Photo-Club Elbeuvien. (13) En juin 1895, il devient membre de la Société industrielle de Rouen. Chaque année, la Société industrielle organisait des conférences sur des thèmes variées. Celle du 6 mars 1908 est consacrée à « La photographie en couleurs au moyen des plaques autochromes de la maison Lumière » pendant laquelle seront projetées pas moins de 200 plaques autochromes. « Notre collègue, M. Clovis Petiton, l’habile photographe que tout le monde connait à Rouen, a présenté la question à l’auditoire en lui expliquant sommairement la synthèse des couleurs et la voie suivie par les inventeurs pour la préparation de leurs plaques au moyen de grains de fécules colorés. Pendant la projection, M. Petiton commente et détaille les merveilleux clichés qui ont défilé sur l’écran ». (14) En avril 1907, Clovis Auguste Petiton, photographe et éditeur à Rouen, est fait officier d’académie. (15) Deux ans plus tard, il cède son atelier rouennais au photographe parisien Paul Leniept. Quand celui-ci se marie le 1er mai 1909, Clovis Petiton, qui est son témoin, est négociant à Rouen, 47 place de l’Hôtel-de-Ville. Un an plus tard, il est artiste photographe à Mont-Saint-Aignan mais on ne conserve pas de trace de son activité dans cette petite commune de la banlieue rouennaise.

L’INDUSTRIEL DU PARFUM : En 1928, quand son fils, André Clovis, ingénieur chimiste, se marie à Paris, Clovis Petiton est parfumeur à Mont-Saint-Aignan. Il est qualifié d’industriel lors des recensements de 1921 et 1926. En conclure qu’il dirigeait une fabrique de parfums serait un peu hâtif. Pour comprendre comment le photographe est devenu industriel il faut revenir à son mariage trente ans plus tôt

                                       LE MELANOGENE DICQUEMARE
Le 2 février 1898, Clovis Auguste Petiton, photographe, épouse Adrienne Marie Dugué, sans profession, qui vit chez ses parents 47, place de l’Hôtel-de-Ville à Rouen ; le père de la jeune femme, Paul Dugué, chimiste, avait épousé en secondes noces Estelle Adolphine Dicquemare qui était la fille de Juste Amédée Dicquemare. Coiffeur à Rouen, celui-ci avait élaboré pour les cheveux de ses clients une teinture qu’il avait baptisée « Mélanogène ». En janvier 1859, la Société des sciences industrielles, arts et belles-lettres de Paris lui avait décerné une médaille de bronze : « le but constant des recherches et des travaux de M. Dicquemare a été de trouver un produit servant à teindre les cheveux, facile à employer, d’une efficacité parfaite et qui, bien loin d’être nuisible, les entretient, un produit en un mot absolument hygiénique. » (16) Sous un titre accrocheur « Plus de cheveux blancs », les annonces pour le Mélanogène de Dicquemare aîné de Rouen fleurissent dans la presse française et étrangère (Suisse, Espagne, Pays-Bas…). En 1870, quand il épouse Estelle Dicquemare, Paul Dugué épouse aussi le Mélanogène de son beau-père auquel il a succédé. Mais fabriquer et vendre un produit qui portait un autre nom que le sien devait le contrarier. Dix ans après son mariage, Paul Dugué se trouve à la tête d’une distillerie à Bruxelles dont les cuves sont remplies d’Amer-Dugué, une liqueur apéritive où le « chimiste » avait associé l’écorce d’orange à la racine de gentiane. (17) L’Amer-Dugué a-t-il eu autant de succès que le Mélanogène ? Pas sûr. Paul Dugué décède le 17 janvier 1905 à Rouen. Le 17 juillet 1908, sa veuve, Estelle Dugué née Dicquemare crée une société en nom collectif « ayant pour objet l’exploitation d’un Etablissement industriel et commercial pour la fabrication et la vente des parfums et teintures, le dit Etablissement connu sous le nom de Spécialité Dicquemare situé à Rouen, place de l’Hôtel-de-Ville n°47… » Pour constituer le capital de ladite société, Mme veuve Dugué a fait appel à ses trois enfants et à leur conjoint. L’apport de Clovis Petiton s’élève à 2 000 Francs. (18) Bien avant le décès de sa belle-mère en 1925, Clovis Petiton prendra la direction de la société. Industriel, il est décédé à Mont-Saint-Aignan le 9 décembre 1932 à l’âge de 66 ans.

Sources :
(1) Gallica « La Cloche d’argent » du 27 février 1886.
(2) Gallica « La Cloche d’argent » du 27 mars 1886
(3) Sophie Goulon, tante d’Auguste, avait épousé Clovis Eugène Petiton. Leur fils Clovis Auguste, portait le premier prénom de son père et le second prénom de son oncle maternel Rémy Auguste Goulon, frère de Sophie.
(4) Gallica « Le Monde illustré » du 7 juillet 1888.
(5) « Le Journal de Rouen » du 25 juillet 1888. Consultable en ligne sur le site des Archives départementales de la Seine-Maritime.
(6) Gallica « L’Echo de Rouen » du 30 janvier 1892.
(7) « Le Journal de Rouen » du 5 octobre 1888. Voir supra.
(8) https://www.musee-orsay.fr/fr/ressources/repertoire-artistes-personnalites/photographie-modele-10017
(9) Gallica « La Revue des sports » du 4 juin 1892.
(10) « Le Journal de Rouen » du 11 octobre 1895. Voir supra.
(11) Gallica « L’Echo de Rouen » du 19 novembre 1904.
(12) Gallica « L’Echo de Rouen » du 5 novembre 1898.
(13) Arnaud Serander Les photographes de Rouen.
http://arnaud.serander.free.fr/Photo/ Mis à jour le 1er octobre 2023.
(14) Gallica « Bulletin de la Société industrielle de Rouen ». Séance du 8 janvier 1909.
(15) Gallica « Journal officiel de la République française » du 25 avril 1907.
(16) Gallica « Le Panthéon de l’industrie » du 1er janvier 1879.
(17) Gallica « Le Panthéon de l’industrie » du 1er janvier 1880.
(18) « Le Journal de Rouen » du 2 août 1908. Voir supra.