Etienne de GRISY

(1831-1866)
Artiste peintre et photographe
7 photographies

Caen Calvados Granville Manche

Etienne Xavier de Grisy est né le 4 janvier 1831 à Lisieux (Calvados).  Son père, Jacques de Grisy, soldat de la Grande Armée, avait été fait chevalier de la Légion d’honneur le 7 juillet 1807.(1)  Deux ans plus tard, le 18 avril 1809, lors de la bataille de Ratisbonne (Autriche) un boulet lui emporte la cuisse gauche. Après son amputation, il se retire à Lisieux. Il n’a que 31 ans et va devoir vivre chichement avec sa pension. En 1814, il épouse Christine Lair qui sera marchande de faïence à Lisieux. Le couple aura six enfants dont trois fils qui atteindront l’âge adulte. L’aîné, Charles Pierre (1823-1862), suivra les traces de son père. En novembre 1843, il entre à l’Ecole spéciale militaire. Deux mois avant sa mort le 27 décembre 1845, Jacques de Grisy aura la joie d’apprendre que son aîné venait d’être nommé sous-lieutenant au 62e régiment d’infanterie de ligne. (2) Etienne, le cadet, préférera  manier le pinceau plutôt que le sabre.  Ambroise Romain (1833- ?), le benjamin, docteur en droit, sera professeur de lettres à la faculté de Clermont-Ferrand.

L’ARTISTE PEINTRE :   Nous ne sommes pas documentés sur les prémices de la formation artistique d’Etienne de Grisy en Normandie. Il poursuivra ses études à Paris. Dans la capitale, il sera l’élève de Léon Cogniet (1794-1880), peintre néoclassique qui, à partir de 1843, se consacrera à l’enseignement. Il a aussi fréquenté l’atelier de Charles Gleyre (18o6-1874) où passèrent Renoir, Monet et Sisley mais aussi le peintre Jean-Louis Hamon (1821-1874), un ami de De Grisy qui sera témoin à son mariage.  Sous le Second Empire, avoir été (comme tant d’autres !) l’élève de Cogniet ou de Gleyre ne suffit pas à vivre de son art.  Pour subvenir à ses besoins, de Grisy part à Flers (Orne) où il enseigne la peinture en 1856. (3) Parallèlement, il fait des portraits à l’huile ou au pastel. (4) C’est deux pastels qu’il a le plaisir d’accrocher à l’exposition régionale des beaux-arts qui se tient  à Caen en 1857. « M. de Grisy traite souvent le pastel avec toute la fougue, toute la hardiesse de la peinture à l’huile… Certes, il lui reste beaucoup à faire, il n’est qu’aux premiers barreaux de cette échelle de l’art… » (5) En 1859, il se hisse de plusieurs barreaux quand, pour la première fois, il expose au Salon de Paris, le Graal de tous les artistes au XIXe siècle.  Bien que son pastel « La Rêverie » soit accroché dans une galerie peu visitée il est remarqué par un critique de « La Revue des Beaux-Arts ». (6) Deux ans plus tard, au Salon de 1861, de Grisy expose un grand pastel « Dentellières de Luc-sur-Mer ». L’artiste normand est encore au Salon de 1863 et à celui  de 1864. Mais entre-temps, le pastelliste avait quelque peu délaissé ses pinceaux pour devenir photographe.

LE PHOTOGRAPHE :  Le 24 juillet 1860, Etienne de Grisy, artiste peintre, âgé de 29 ans, épouse à la mairie du 6e arrondissement  Louise Virginie Thorey, fille d’un banquier.  Le couple, qui n’aura pas d’enfant, s’installe à Caen (Calvados) où il est recensé place du Marché aux bois en 1861. C’est probablement en 1862 que le pastelliste devient photographe professionnel et succède à Auguste Colas dit Baudelaire  qui opérait 111, rue Notre-Dame à Caen. (7) Curieusement, au printemps 1863, de Grisy s’éloigne un peu du Calvados et part à Granville (Manche) où il s’est associé à un homme du cru, Pierre-François Le François (1814-1893), artiste peintre établi dans le port normand depuis un quart de siècle.  (8)  Le dimanche 10 mai 1863, les deux associés ont le plaisir d’accueillir leurs premiers clients dans l’atelier de pose de la rue des Moulins. (9) L’évènement avait été annoncé avec tambour et trompette dans « L ’Avranchin » du 19 avril.  « Très sérieusement conçue, établie, par deux hommes mariés et pleins d’expérience, sur les bases les plus fermes, et disposant de tous les appareils et procédés les plus nouveaux et les plus parfaits, la Société que nous sommes heureux de signaler à l’attention sympathique de nos lecteurs, ne saurait manquer de prospérer. Inaugurée sous le haut patronage des principaux magistrats et fonctionnaires du pays, reproduisant, avec une admirable réussite, les plus rares types de cette antique race normande, aux homme si mâles et si fiers, aux femmes si belles et si séduisantes, qu’on peut les appeler à juste titre « Les Italiennes » de la France » L’Entreprise Le François et de Grisy ... va marcher à pas de géant dans une carrière spéciale, exceptionnelle, tout-à-fait artistique, où ne la suivront aucuns rivaux. » (10) Sauf que Le François va rapidement marcher tout seul. De Grisy repart à Caen. De là, il fait des tournées dans le département de l’Orne avec lequel il avait noué des liens.  En septembre 1864, il passe quelques jours à Flers. (11) L’année suivante, il participe à l’exposition des beaux-arts d’Alençon avec la double casquette d’artiste peintre et de photographe. Dans la section « Peinture », il  accroche six pastels dont un portrait de Mme de Grisy qui voisine avec les « Dentellières de Luc-sur-Mer » déjà exposées à Paris en 1861. Le jury lui décerne une médaille d’argent grand module « pour ses pastels et ses excellentes  photographies ». (12) Est-ce pour répondre à  une commande qui lui aurait été faite,  de Grisy a signé de belles épreuves de l’extérieur de  l’ancienne maison de la Providence où se déroulait l’exposition mais aussi quelques vues des salles où avaient été rassemblées - ou plutôt accumulées- les œuvres exposées. Témoignage accablant sur la manière dont on concevait une exposition au XIXe siècle ; l’objectif n’étant pas de mettre en valeur chaque oeuvre mais d’en accrocher le plus possible dans le minimum d’espace. A l’époque cela ne choquait personne.  A tel point que le reportage de De Grisy est publié sous le titre « Album de l’exposition artistique d’Alençon – 1865 ». (13) Le photographe quitte définitivement Alençon le 12 juillet 1865. (14) Il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Etienne Xavier de Grisy, artiste peintre, décède à Caen le 1er janvier 1866 à l’âge de 35 ans. (15) C’est Nicolas Karren qui lui succédera dans l’atelier du 111, rue Notre-Dame.

Cette notice est la synthèse des recherches  effectuées par Pascal Cordonnier.

 Sources :

(1)  Archives nationales – base de données Léonore – cote LH//1204/31

(2)  Charles Pierre de Grisy, capitaine au 2e régiment étranger, est fait chevalier de la Légion d’honneur le 19 juin 1859. (Archives nationales – base de données Léonore – cote LH//1204/30). Après avoir séjourné à Caen chez son frère, le capitaine de Grisy rejoindra sa garnison à Oran où il succombera le 27 octobre 1862 d’une fluxion de poitrine (Normannia « Le Journal de Flers » du 19 novembre 1862).

(3)  Gallica « Bulletin de la Société des beaux-arts de Caen » – procès-verbal de la séance du 12 décembre 1856.

(4)  Normannia « Le Journal de Flers » du 6 août 1857. 

(5)  Normannia « Le Journal de Flers » du 30 juillet 1857 qui reproduit un article du journal de Lisieux « Le Lexovien ».

(6)  Gallica - « La Revue des beaux-arts - Tribune des artistes fondée sous les auspices de la Société libre des beaux-arts. 1859.

(7)  Dans « L’Ordre et la Liberté » daté du 2 septembre 1862, M. Baudelaire, ancien photographe à Caen, invite ses débiteurs à solder leurs notes auprès de son fondé de pouvoir. On suppose qu’à cette date Etienne de Grisy ne s’était pas encore installé dans l’atelier du 111, rue Notre-Dame mais qu’il n’a pas dû tarder à le faire. La collection de « L’Ordre et la Liberté – Journal politique, religieux, commercial et littéraire » est consultable en ligne sur le site des Archives départementales du Calvados.

(8)  Yves Lebrec « Les premiers photographes de Granville 1839-1939 ». (2005) L’auteur précise que Le François et de Grisy se sont associés en 1866.  En fait, ils ont commencé à travailler ensemble au printemps 1863.

(9)   Normannia  « L’Avranchin » du 10 mai 1863.

(10)   Normannia « L’Avranchin » du 19 avril 1863.

(11)   Normannia « Le Journal de Flers » du 14 septembre 1864.

(12)   Exposition des beaux-arts à Alençon : 21 mai – 25 juin 1865 catalogue. » Collections numérisées de la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/58684-exposition-des-beaux-arts-a-alencon-21-mai-25-juin-1865-catalogue?offset=5

(13)   Album mis en ligne par la bibliothèque d’Alençon. https://bibliotheque-numerique-patrimoniale.cu-alencon.fr/viewer/6213/?offset=#page=1&viewer=picture&o=&n=0&q=

(14)   Normannia « Le Journal d’Alençon » du 4 juillet 1865.

(15)   Etienne de Grisy, « qui a succombé en quelques heures », pourrait être l’une des victimes de l’épidémie de choléra qui a sévi à Caen en 1865 et 1866